23 décembre 2024 | 21:28
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Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement des Hauts-de-Seine : occuper le sol et produire des logements – tribunes des maires le 1er février 2022

À l’initiative de son conseil d’administration, le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement des Hauts-de-Seine (CAUE) propose une tribune dédiée à la parole des maires des Hauts-de-Seine sur le sujet de l’action locale dans les domaines de la construction, de la transformation de territoires densément bâtis la production de logements.

Le débat est intense autour des questions sur la qualité de vie dans les espaces privés comme dans l’espace des villes. A l’échelle communale, nous relevons nombre de complexifications et contraintes voire d’injonctions contradictoires. Cependant à contrario, ce moment invite à définir autrement l’action locale dans un dialogue renouvelé avec les architectes et les acteurs de la ville et replacer ainsi la conception au cœur des intentions urbaines.

Tribune 1 avec Nadège Azzaz, maire de Châtillon, Jacques Kossowski, maire de Courbevoie, Philippe Laurent, maire de Sceaux, et Patrice Leclerc , maire de Gennevilliers.

Selon Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, la construction de logements devrait être une question majeure des élections présidentielles. En effet, 70% de la population d’île de France est éligible au logement social, il y a 450 000 demandes or 45000 logements se libèrent tous les ans : le temps d’attente est donc d’environ 10 ans. Il cite le rapport du Diocèse de Nanterre qui fait référence à l’exode des couches moyennes et des couches populaires mais aussi aux problèmes des femmes victimes de violences conjugales, des marchands de sommeil, des temps de transport qui ont un vrai impact sur l’environnement. Le logement social est traité en fonction de l’urgence et non comme une proposition pérenne de logement. Il faut donc construire massivement du logement social avec : plus de fonds pour diversifier les offres de logement, remplacer les APL par l’aide à la pierre (ce qui était le cas avant). Le manque de logements avec le départ des couches moyennes accentue la paupérisation de certains quartiers. A Gennevilliers, quand on construit des logements, on construit 50% de logements sociaux. A l’heure actuelle, on est à 66% des logements sociaux donc proche des 70% de besoins. La maîtrise publique des droits des sols est possible avec l’appui de la SEMA92 qui négocie les prix à l’achat et une coopérative (préemption des sols). Le dispositif des BRS (baux réels solidaires) permet de dissocier le foncier du bâti pour faire baisser le prix des logements. A Gennevilliers, ce sont 1500 logements sur le site Renault et 1500 logements proches du Parc des Chanteraines, ce qui fait 385 logements par an (seuil de maintien de la population est de 150 logements). Actuellement, Genevilliers compte 47000 habitants avec un objectif à 55000 habitants, mais en disposant toujours d’espaces verts, de services publics, d’écoles, de crèches…

Nadège Azzaz, maire de Châtillon, ville de 3 km², assez dense, avec de gros projets immobiliers initiés par l’ancienne municipalité. Pour elle, construire n’est pas un gros mot mais ce qu’elle veut éviter c’est l’urbanisme débridé non harmonieux avec un manque d’équipements publics. Elle souhaite un cadre de vie oxygénant avec le poumon vert constitué par la coulée verte. Actuellement, les logements sociaux représentent à peine 24%. L’idée est de se projeter et de réfléchir aux conditions d’aménagement, de construire pour faire venir de nouveaux habitants et de travailler sur le parcours résidentiel des habitants. Il y a plusieurs outils : le PLU qui devient le PLUI. Nadège Azzaz souhaite que Châtillon ne soit pas une ville dortoir à 15 min de Paris et pas une ville de transit. A chaque projet de construction, la question de l’intérêt pour Châtillon et de ses habitants est posée : requalifications urbaines, espaces verts, voirie…Une charte de la promotion immobilière va encadrer les constructions en zones denses avec association des habitants, par des échanges organisés entre les promoteurs et les riverains (éviter notamment les nuisances des chantiers). Un comité consultatif extra-communal est constitué d’experts avec une charte déontologique pour éviter tout conflit d’intérêts. La modification du PLU de Châtillon a porté le taux de pleine terre de 20 à 35% et dans la modification envisagée, l’objectif est de passer de 35% à 45%. Dans chaque projet, il y aura 30% de logements sociaux, selon les programmes et les zones.

Jacques Kossowki, maire de Courbevoie dénombre 22,5% de logements sociaux. Il trouve que le terme logement social n’est pas vraiment un terme approprié. Il ne souhaite pas qu’il y ait de différence architecturale entre les logements sociaux et ceux en accession. Au-dessus de 15 logements, il demande 35% de logements sociaux et 10 % de logements intermédiaires. Il est prévu 60% de pleine terre dans les zones pavillonnaires. Dans les ZAC, les promoteurs sont responsabilisés pour assumer les pertes si le cas se présentait.

Philippe Laurent, maire de Sceaux, ville à caractère très vert qui mène une politique pour accompagner et pour préserver le patrimoine végétal dans le domaine privé. Il n’y a pas de friches ni de quartier à rénover sauf des opérations de reconstruction de ville sur la ville comme ça a été le cas vers la gare de Robinson. Philippe Laurent pense qu’il faut une vraie maîtrise du foncier par l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France (EPFIF) avec les outils donnés par le PLUI. Il est nécessaire de réfléchir sur la densité : il faut se poser la question de quels commerces ? quel service public ? quelle qualité de l’espace public ? L’espace public était souvent considéré en dernier surtout il y a 40 à 50 ans donc réfléchir en amont sur les équipements : écoles, crèches … Néanmoins, les aménagements coûtent cher d’autant plus après la suppression de la taxe d’habitation, ce qui ne permet plus de compenser le financement des logements sociaux.

Questions

Un élu LREM de Saint-Cloud pose la question sur l’adaptation de la loi SRU par la loi 3DS qui transfèrerait aux territoires l’exigence de respecter un % de logements sociaux. Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers estime que ce n’est pas une bonne chose et rappelle que sur territoire il y a Gennevilliers et Colombes qui construisent et parallèlement Bois-Colombes qui construit peu. Il insiste sur le fait qu’une vraie ville est constituée par les habitants qui y travaillent, il n’est pas normal que les gens doivent vivre loin de leur travail. Nadège Azzaz insiste sur la mobilité, le plan vélo ainsi que Jacques Kossowski. Philippe Laurent précise qu’il n’y a pas de charte à Sceaux mais impose la consultation de trois architectes et appelle l’attention des propriétaires auxquels un promoteur fait une offre intéressante sur le risque de voir ce promoteur partir si le permis de construire est refusé.

Tribune 2 : Produire des logements, qualité architecturale et qualité urbaine avec Jacqueline Belhomme, maire de Malakoff, Patrick Chalmovitch, maire de Colombes, Denis Larghero, maire de Meudon, Philippe Laurent, maire de Sceaux

Denis Larghero, maire de Meudon dispose de beaucoup de sites classés avec des patrimoines historiques donc l’architecte de bâtiments de France est un interlocuteur majeur pour accompagner la ville. A Meudon, il y a un éco-quartier labellisé axé sur la qualité de l’air, la transition énergétique, l’accès à des jardins partagés. Il insiste sur le plan vélo, en faisant référence au compteur des passages de vélo sur les voies sur berges, qui prouve une circulation intense et l’intérêt de mailler le département avec une continuité des trajets domicile-travail.

Jacqueline Belhomme, maire de Malakoff, ville de 31000 habitants sur 37 hectares dont 2,5 hectares occupé par le Fort de Vanves, seule friche de la ville. Malakoff a adopté un PLU avant le PLUI, un PLU hyper zoné avec une mixité sociale, une mixité fonctionnelle et 40% de logements sociaux dont habitat participatif et baux réels solidaires (BRS). Le PLUI ne doit pas être un élément technique et une superposition de PLU. Elle regrette la difficulté des « classes moyennes » (dont elle n’aime pas le terme) à se loger. Il y a une charte de promotion immobilière qui prévoit un cadrage des prix de sortie, à 6500€ du mètre carré (alors qu’ils s’élèvent à 9 000 à 10 000€ sur l’ancien :« marché inversé » comme à Montreuil), des ateliers avec des promoteurs pour définir les matériaux, les types de logement, la végétalisation…. Il y avait 40 promoteurs puis 60 mais certains ont été radiés. Elle demande aux propriétaires démarchés pour l’achat de leur bien d’informer la mairie, afin de leur éviter de se retrouver dans une impasse face à des offres qui peuvent sembler alléchantes. A ce jour, il y a 2000 demandes de logement social via des Malakoffiots. Au-delà de 1 500 m2, les projets immobiliers doivent comporter 30% de logements sociaux.

Patrick Chalmovitch, maire de Colombes, avec 1/3 de logements sociaux, 1/3 de logements pavillonnaires et 1/3 de marché libre, avec une population qui vieillit et des gens veulent quitter l’île de France. Le logement social est un dispositif qui est centenaire et qu’il faut préserver. Il faut réfléchir notamment à respecter les biotopes, la promiscuité dont on a vu qu’elle pouvait être compliquée en cas de d’épidémie donc réfléchir aux nouveaux aménagements d’espaces à des logements tranversants pour la ventilation, à des extérieurs plus grands et des matériaux biosourcés. Il y a une charte qui favorise le dialogue avec les habitants et les promoteurs sur les matériaux, le financement public, les hauteurs, le prix en sortie. Sont distingués 3 niveaux de projet : les « petits » de 0 à 3 000 m², les « moyens » de 3 000 à 5 000 pour lesquels 3 projets sont exigés, les « grands » de plus de 5 000 m² où le concours de 3 architectes est imposé.
C’est une vraie question de volonté politique.

Philippe Laurent déplore la dégradation du professionnalisme des constructeurs et lutte contre les sous-traitants de sous-traitants. Il insiste sur le fait que les architectes ne doivent pas être les salariés des promoteurs. Selon lui, les règles du PLU sont insuffisantes pour garantir la qualité d’où la nécessité d’établir des chartes et l’importance du rôle des ABF.

Ce que nous avons retenu

Il y a une demande de logements importante et aussi une demande de qualité de vie des habitants et nous avons quelques éléments de réponse : des objectifs de production de logement, de la pleine terre, une densité à maîtriser, des exigences environnementales renforcées, des espaces ouverts accessibles et partagés, moins de bitume, une offre accessible à tous, la lutte contre les îlots de chaleur, un objectif de démolition-transformation, un espace public végétalisé et des documents d’urbanisme et des règlements à toutes les échelles.

D’où la nécessité de :

  • Travailler en amont sur la ville que l’on souhaite, en termes de services publics et d’équipements, en lien avec les habitants ;
  • Maîtriser le foncier disponible ;
  • Elaborer une charte de la promotion immobilière ;
  • Elaborer un PLUI plus qualitatif (architecture, % de pleine terre à augmenter, …) ;
  • Imposer 30% à 40% de logements sociaux, selon les programmes et les zones ;
  • Mettre en place des baux réels solidaires (BRS), dispositif qui permet de dissocier le foncier du bâti pour faire baisser le prix des logements ;
  • Maintenir des espaces verts afin de garantir la qualité de vie ;
  • Associer les riverains aux projets et à la prévention des risques de nuisance.

Astrid Brobecker & Jean-Yves Sommier

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