Etre de gauche aujourd’hui
J’ai lu avec beaucoup d’attention l’article de D. Marteau sur la situation de la gauche et les commentaires des lecteurs de ce blog.
Je voudrais partager avec vous quelques réflexions.
Historiquement, la gauche de gouvernement a été une sensibilité politique qui a su réfléchir et porter une vision progressiste de la société avec cette boussole: “aller à l’idéal et comprendre le réel”, comme l’a dit Jean Jaurès. C’est ainsi que, bien que rarement au pouvoir, elle a porté la plupart des grandes réformes sociales et sociétales : abolition de la peine de mort, mise en place du RMI-RSA, retraite à 60 ans, autorisation des radios libres, lois de décentralisation, mariage pour tous….
C’est ainsi que la gauche a su la première prendre conscience des défis écologiques et climatiques.
Mais, progressivement, sa capacité de penser et réaliser la transformation sociale et sociétale s’est grippée. En perdant cette faculté, la gauche a abandonné les classes populaires et elle n’a pas su continuer à porter un message global de progrès et de transformation de notre pays.
Certes, entre 1997 et 2002 (avec L. Jospin comme premier ministre) puis entre 2012 et 2017 (avec F. Hollande), elle s’est de nouveau retrouvée aux manettes du pays.
Elle a su alors porter de nombreuses réformes emblématiques (mise en place des 35 h, mariage pour tous…) mais n’a pas toujours été en mesure de porter un projet audible pour les classes populaires.
Et la gauche a fait face à l’un de ses démons : la division au nom de différences exacerbées entre les mouvements de gauche et écologistes au lieu du rassemblement au nom de valeurs communes et d’idéaux partagés. Cette division s’explique notamment par la perte d’une réelle culture de gouvernement et une certaine incapacité à réfléchir à un programme novateur, désirable et réalisable. Ce syndrome de la division est pourtant mortifère pour la gauche dont le potentiel électoral au niveau national pour la future élection présidentielle tourne autour de 30%. Cela n’empêche pas tous les candidats de gauche de partir en ordre dispersé à l’élection présidentielle en ruinant ainsi toutes leurs chances d’être présents au second tour.
Certes, au niveau local, la gauche, malgré des soubresauts, a globalement mieux résisté grâce à des personnalités locales de qualité et par sa capacité à proposer des projets répondant aux enjeux du territoire concerné.
D’aucuns disent que la société se serait déplacée à droite ou que les principales préoccupations de nos concitoyens portent sur des thématiques de droite (insécurité, immigration…).
Je ne partage pas cette analyse :
- D’une part, de nombreuses priorités mises en avant par les Français portent sur des thématiques plutôt « de gauche » (pouvoir d’achat, logement, santé, école,…) ;
- D’autre part, la gauche doit apporter des « réponses de gauche » par exemple à la lutte contre l’insécurité. Il n’échappera à personne que l’insécurité est plus forte dans les quartiers populaires que dans les quartiers plus aisés. Lutter contre l’insécurité est de nature à redonner confiance en l’action publique à nos concitoyens qui vivent dans ces quartiers et se sentent abandonnés. Mais, l’effort de l’Etat et des collectivités locales doit porter sur la prévention, sur l’accompagnement et l’encadrement des jeunes, sur la lutte contre l’échec scolaire, sur la réhabilitation du bâti, sur le renforcement des effectifs de police et pas sur l’installation de caméras de vidéosurveillance ou le fait d’autoriser le port d’armes par exemple.
La gauche se trouve aujourd’hui en quelque sorte à la croisée des chemins. Elle peut choisir de se recroqueviller sur ses bastions locaux et territoriaux et défendre la pureté de ses idéaux en oubliant de “comprendre le réel” ou bien travailler sur le fond et faire l’effort de se repenser, tant au niveau des idées que des stratégies de rassemblement et d’ouverture.
J’espère qu’elle suivra cette deuxième voie afin de redonner un second souffle à des idées et des valeurs auxquelles une large majorité de nos concitoyens des classes populaires aux classes moyennes pourront se retrouver.
Gilles Mergy
3 RÉPONSES
Je ne suis pas d’accord avec certains points de cet article et notamment “C’est ainsi que la gauche a su la première prendre conscience des défis écologiques et climatiques”,
Il y a une gauche qui n’a pas complètement compris les enjeux du défi climatique, une gauche qui est encore productiviste et qui défend le paradigme de la sainte croissance. C’est ce qui fait en grande partie que certaines gauches ne s’accordent pas sur ce qui me semble aujourd’hui fondamental.
Et tellement fondamental que ça justifie pour ces «certaines gauches» de risquer de donner pour 5 ans les clefs du camion à Zemour, Le Pen ou Pécresse . (C’est Macron qui doit être content de toutes ces gauches qui ne s’accordent pas).
Et oui, c’est comme à Fontenay. A tous les coups, la droite, extrême ou non, est assurée de conserver le pouvoir pour 5 ans.
Mais quelle belle compétition pour être le premier des nains au soir du 1er tour !