24 novembre 2024 | 07:52
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Fontenay-aux-Roses 2118 ?

L’article de Dominique Dupuis “Surfer sur la vague verte à Fontenay” dans la rubrique “Libre Opinion” de ce blog m’a rappelé un court texte que j’avais rédigé pour le concours de nouvelles de Fontenay-aux-Roses l’année dernière, sur le thème “Fontenay dans 100 ans”.
Vous trouverez ce texte ci-dessous.
Je rejoins totalement Dominique Dupuis : c’est à nous de mener le combat pour que nos petits, ou arrières-petits, enfants ne vivent pas la situation catastrophique que j’ai décrite. En espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard…
Michel Giraud.
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Fontenay-aux-Roses, mercredi 25 mai 2118, 6h40.

Je plaque ma paume de main contre le capteur optique près de la porte d’entrée, qui s’ouvre immédiatement. Je franchis le seuil de la maison. L’huis se referme doucement derrière moi et se reverrouille.

Je traverse en quelques pas la bande de gazon qui sépare le pavillon de la rue. Pendant ce temps, alerté par l’ouverture de l’entrée, et ayant reconnu mon emprunte palmaire, mon CyTriA (Cyber Tricycle Autonome) a quitté sa place de stationnement, et vient se ranger au bord du trottoir devant moi.

C’est un véhicule monoplace, équipé d’une roue directrice à l’avant, de deux roues motrices à l’arrière, et d’un cockpit, entièrement fermé et climatisé. Le moteur électrique et les batteries sont placés sous le siège. L’ensemble est piloté par un ordinateur quantique de toute dernière génération.

La porte de l’habitacle s’ouvre. Je m’installe dans le fauteuil ; la ceinture de sécurité m’enserre aussitôt. Je salue l’engin robotisé d’un « Bonjour Bob. » « Bonjour Madame », me répond-il d’une voix à peine métallique.

« Bob, je t’ai déjà demandé de ne plus m’appeler Madame mais Oriane !

– Oui, Madame. J’ai préparé le changement des paramètres, mais toute modification des messages de politesse nécessite votre validation.

– Pourquoi ne me l’as-tu pas demandée ?

– J’ai envoyé un message sur vos lunettes-smartphone, Madame. »

Rien ne s’affiche sur les verres ; batterie à plat ! Avec le nuage de fumée noire qui cache le soleil, les verres photovoltaïques ne parviennent plus à la recharger correctement.

Depuis cinq jours, la forêt de Verrières est en feu. La sécheresse est arrivée encore plus tôt que d’habitude cette année ; pas une goutte d’eau depuis mi-mars. Attisé par un vent chaud venant du Sahara, l’incendie a embrasé le massif d’un coup. Dans la Seine ne coule plus qu’un mince filet qui suffit à peine à produire l’eau potable nécessaire à la région. Les étangs de Saclay et de Saint-Quentin ont perdu la moitié de leur surface et près des deux tiers de leur volume liquide. Privés de site pour aller faire le plein de leurs réservoirs d’eau, les drones anti feu sont restés au sol. Les autorités ont donc décidé de laisser la forêt brûler, ne protégeant que les agglomérations à sa périphérie.

Le vent s’est un peu calmé, diminuant l’intensité de l’incendie, mais les chênes, châtaigniers, frênes, charmes et bouleaux, certains plusieurs fois centenaires, continuent à se consumer de l’intérieur. Poussé par la brise, le nuage de fumée recouvre le sud du Grand Paris jusqu’au fleuve.

« Bob, conduis-moi à mon bureau de La Défense.

– Désolé Madame, mais il y a eu des coupures d’électricité cette nuit. Mes batteries sont faiblement chargées, et, avec ce nuage, le toit photovoltaïque ne produit plus d’énergie. Je n’ai pas assez d’autonomie pour aller jusqu’à La Défense. Je peux vous déposer à la station d’hyper-métro Chatillon-Montrouge. Vous serez au bureau en moins de 10mn par la ligne 15.

– Une journée qui commence bien ! Allons donc prendre la capsule pneumatique de l’hyper… »

A l’exception des axes principaux qui traversent la ville, toutes les rues sont réservées aux piétons, aux cyclistes et aux véhicules électriques à deux ou trois roues. A une heure aussi matinale, il ne nous faut que quelques minutes pour rejoindre le centre de Fontenay.

Une longue queue de réfugiés s’est déjà formée devant l’ex-église, devenue annexe de l’hôtel de ville. Avec le terrible réchauffement que connaît la planète, le flux de migrants n’a cessé de croître. La loi impose à toutes les communes d’ouvrir des centres d’hébergement. Ceux de l’agglomération du Grand Paris sont totalement saturés. Pour y accéder, il faut s’inscrire et attendre que des places se libèrent. Les malheureux qui patientent devant l’ancien édifice religieux viennent prendre place dans la liste d’attente, ou faire valoir de nouveaux critères de priorité, comme la naissance d’un enfant.

A Fontenay-aux-Roses, le stade et le parc du Panorama ont été aménagés en centre d’hébergement. Des villages de tentes ont envahi les terrains de sport et les pelouses. Les points d’eau ne sont pas toujours alimentés ; les batteries de toilettes de chantiers pas régulièrement vidées. Quelques postes de cuisson ont été installés : bacs en tôle ou en béton, recouverts de grilles sur lesquelles on pose les gamelles, et sous lesquelles on brûle ce qu’on trouve ! Des conditions de vie, de survie, insupportables, qui provoquent de temps à autres des échauffourées…

Nous contournons ensuite le centre-ville, interdit à tous les véhicules. Toutes les allées commerçantes, dans le triangle église-marché-piscine, sont couvertes de toits de verre filtrant et photovoltaïque, climatisées, et l’air y est filtré. Les clients et promeneurs sont ainsi protégés de la pollution et des intempéries : épisodes de froid extrême, canicules et violentes tempêtes, dont la fréquence augmente.

Une dizaine de minutes plus tard, le CyTriA s’arrête devant la station d’hyper-métro. Avant que j’aie le temps de descendre, il m’interpelle :

« Si Madame me le permet, je lui ferai remarquer qu’avec ce nuage, les drones-livreurs ne vont encore pas pouvoir voler aujourd’hui. Peut-être faut-il que j’aille prendre livraison de la commande chez Bio-Zon ?

– Excellente idée Bob ! Que ferais-je sans toi ? Je t’appelle pour que tu viennes me chercher ici ce soir. »

Me voici dans le couloir obscur qui conduit aux quais. Il est envahi de SDF, des migrants qui n’ont pas encore trouvé de place en centre d’hébergement, et viennent mendier quelques objets échangeables contre de la nourriture. On ne peut pas leur donner d’argent : pièces et billets ont disparu depuis longtemps, remplacés par les cartes sans contact, les puces sous-cutanées ou tout autre objet connecté au Net.

Effet de la chaleur et de l’âcre odeur de brulé qui flotte dans l’air ? L’ambiance est tendue ce matin ; l’agressivité est presque palpable. L’angoisse m’étreint l’estomac. Soudain, une sirène stridente se déclenche. Je sens une main agripper mon épaule et commencer à me secouer. Une sueur froide inonde ma peau. Je me débats, prête à partir en courant.

« Doucement chérie ! Tu devais faire un cauchemar : tu es trempée de transpiration et tu gesticules dans tous les sens… » C’est Marc, mon conjoint, qui m’éveille ainsi, une main sur mon épaule. Le vieux réveil vintage, qui fait entendre sa sonnerie, indique « Vendredi 25 mai 2018, 6 heures et 45 minutes ». Ce matin je me lève tôt pour rejoindre la conférence qui prépare le plan d’action pour limiter le réchauffement climatique.

Copyright Michel Giraud, avril 2018

2 RÉPONSES

  • Marie Helène Boulestreau

    Monsieur Giraud .Vous avez du talent , en tant qu’ auteur de science fiction , reste à souhaiter qu ‘ il ne soit pas accompagné du don de voyant extra – lucide..Heureusement , je ne serai plus là pour vivre votre Fontenay futur.Le Fontenay actuel me chagrine déjà bien assez, moi qui l ‘ ai connu “village ” !

  • Merci beaucoup pour ce partage même si, bien sûr, on aimerait pouvoir rêver plutôt que de faire des cauchemars…
    Il est trop tard pour vivre et penser comme si le monde actuel pouvait continuer sur la même trajectoire. Ce que nous avons laissé faire ne sera pas sans conséquences dans les prochaines décennies mais ces conséquences, leur gravité, va dépendre beaucoup de ce que nous allons faire, ou pas, dans les prochaines années. Un exemple simple est que les bâtiments que nous construisons aujourd’hui seront encore là en 2050 et nous devons en tenir compte.
    Alors on peut aussi rêver à des lieux qui répondent à nos besoins d’habiter, aujourd’hui et demain, mais aussi de vivre en société, de tisser des liens, de nous déplacer, etc.

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