La fusion des collectivités : des objectifs rarement atteints
Je voudrai tout d’abord remercier Michel Giraud pour cette présentation très claire du projet de fusion des Départements des Yvelines et des Hauts de Seine.
Je ne dispose pas des éléments suffisants pour me prononcer sur l’intérêt de cette fusion pour les habitants des deux départements et pour l’amélioration de l’efficacité de l’action publique.
Mais de l’expérience de la création des « grandes régions » que j’ai vécue de très près, je peux témoigner que les objectifs qui sont vendus au départ par les promoteurs des fusions entre collectivités locales sont rarement atteints.
La création des grandes régions a été présentée comme un moyen de clarifier le mille-feuille administratifs, de réaliser des économies d’échelles, d’améliorer l’efficacité des politiques publiques et de faire des Régions françaises un pivot de l’action publique territoriale sur le modèle des länder allemands (alors que l’organisation politique et administrative de nos deux pays n’ont strictement rien à voir au regard du poids de l’État central en France).
Aucun Président de région en 2014 ne souhaitait cette création des grandes régions (ils étaient tous à l’époque socialistes à l’exception de Philippe Richert, Président LR de la région Alsace). Tous (y compris P. Richert) ont accepté de jouer le jeu et de préparer en amont des élections de décembre 2015 ces fusions.
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Les Présidents de région élus en décembre 2015 ont été chargés de les mettre en œuvre. En dépit de leur mobilisation et de celles de leurs services, les objectifs de la réforme n’ont pas été atteints :
- Les économies d’échelles ont été faibles (à la marge sur quelques marchés publics mais les Régions avaient déjà la taille critique lorsqu’elles lançaient un appel d’offres sur la réalisation d’un Lycée par exemple) ;
- Les doublons notamment sur les fonctions support n’ont pas réellement disparu (les entreprises privées « taillent à la serpe » dans leurs effectifs en cas de fusion ; dans le secteur public local, ce n’est heureusement pas possible au regard du statut de la fonction publique territoriale) ;
- Les harmonisations des régimes indemnitaires et des modes d’intervention de chacune des ex-Régions sur leurs différentes compétences ont pris énormément de temps et n’ont pas toujours pu s’aligner sur le « mieux disant » ;
- Les coûts de structure ont augmenté (maintien des sièges existants, organisation des assemblées plénières ou des commissions préparatoires tournantes entre les ex sièges conduisant à des surcoûts, travaux nécessaires d’agrandissement des hémicycles régionaux pour accueillir un nombre d’élus en augmentation, …) ;
- L’État n’a aucunement tenu compte de la montée en puissance de ces grandes régions et a maintenu son organisation territoriale inchangée au détriment de l’efficacité de l’action publique.
Pour la fusion des deux départements des Yvelines et des Hauts de Seine, se poseront aussi deux questions « existentielles » :
- Où se situera le futur siège politique du nouveau « super Département » ? A Nanterre ou à Versailles ;
- Qui sera le Président ?
L’exemple de la création récente de la collectivité européenne d’Alsace (au travers de la fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin) pourtant plébiscitée par les Alsaciens a failli échouer à cause de ces deux questions existentielles. Dans le cas de figure qui nous intéresse (Yvelines et Hauts de Seine) pour laquelle les habitants ne sont pas demandeurs, il s’agit d’un obstacle de plus.
Près de 40 ans après les lois de décentralisation de Mitterrand-Defferre, il est temps que nos décideurs comprennent que les seules réformes pertinentes en matière de décentralisation sont de clarifier les compétences entre chaque niveau d’action publique pour éviter les doublons de compétence et permettre à chaque citoyen de « savoir qui fait quoi ». C’est ce qu’avaient tenté de faire F. Hollande et M. Valls dans la loi NOTre en clarifiant les rôles respectifs des Régions et des Départements mais ces bonnes intentions ont été « polluées » par leur décision d’accroitre encore la complexité de l’organisation administrative de l’Ile de France (création des Territoires et de la métropole du Grand Paris en concurrence frontale de la Région Ile-de-France) et par leur absence de réforme de l’État déconcentré pour qu’il transfère ses missions opérationnelles aux collectivités locales et se focalise sur ses missions régaliennes et sur le contrôle de légalité.
Gilles Mergy
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