Menaces sur le château Laboissière
Incroyable mais vrai : un projet immobilier de 19,50 m de haut pourrait être réalisé juste devant ce beau bâtiment du XVIIe siècle, qui abrite l’école de musique de Fontenay-aux-Roses. Pourtant, le château Laboissière est l’un des bâtiments les plus emblématiques de la ville. Il appartient à ces éléments d’un patrimoine bâti et paysager, qui « participe fortement à l’identité́ du territoire », comme le dit elle-même la municipalité.
Le projet actuel…
Le bulletin municipal de février 2023, « Fontenay-aux-Roses Mag », fait sa couverture sur le thème de l’urbanisme avec ce titre « Renouveler le paysage urbain en préservant l’identité de notre ville ». Or, parmi les éléments emblématiques du patrimoine à Fontenay-aux-Roses participant « fortement à l’identité́ du territoire » figure en première place le château Laboissière, construit fin XVIIe par l’éditeur des fables de La Fontaine, Denys Thierry, et qui a appartenu ensuite au directeur de la Compagnie des Indes. Une fort belle demeure, agréablement restaurée entre 2014 et 2016, et dont les toitures et les communs sont inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques depuis 1956. Elle abrite aujourd’hui l’école municipale de musique et de danse.
« Cône de vue »
Actuellement, la vue de ce monument situé en plein centre-ville est dégagée côté Nord et côté Sud. Or la mairie a accordé, le 29 décembre dernier, au promoteur ADIM-Vinci, un permis pour un projet immobilier de cinq étages (35 logements) et 19,50 m de haut. Lequel serait installé à une vingtaine de mètres de la façade du château et à quelques mètres du mur de l’agréable et bucolique ruelle de la Demi-Lune. Il obstruerait complètement la vue du monument vers le Sud.
Autrement dit, il ferait totalement obstacle au « cône de vue » du monument tel que défini dans le PLU (partie 3, p.37): « Les nouvelles constructions seront intégrées afin de maintenir les cônes de vue associés aux éléments du patrimoine ». Pour la petite histoire, lors de la construction des immeubles sur le côté Nord du château dans la période dite des « Trente Glorieuses » (années 1950-1960), on avait laissé ouvert le « cône de vue » de ce côté. Et pourtant, la période a vu détruire nombre de bâtiments intéressants. A commencer par le château Boucicaut qui « hante les mémoires », comme le dit joliment un article du site internet de la ville.
Aujourd’hui, les photomontages du dossier de permis de construire se gardent bien de montrer les conséquences visuelles d’un immeuble de près de 20 m de haut quasiment accolé au château Laboissière. Un monument d’ailleurs à peine évoqué dans le dossier de permis… « L’immeuble prévu m’évoque ces grands bateaux de croisière qui s’engagent dans les canaux de Venise », explique une riveraine en colère. Il va « enkyster l’un des derniers châteaux fontenaisiens, ainsi que l’école Saint-Vincent de Paul dont l’architecture est le témoignage d’une époque », ajoute un autre riverain.
Les photomontages du promoteur : mais où est passé le château Laboissière ?
Ce projet immobilier vient ainsi contredire le discours officiel sur la « conservation et mise en valeur » du patrimoine bâti et paysager. Selon le bulletin municipal cité ci-dessus, ledit projet a pour but de « combler l’espace laissé entre les deux immeubles de la place (de Gaulle) par un chantier abandonné ». Sur le papier, cela paraît raisonnable. Sauf que le projet fait 20 m de haut et cache un monument historique ! On se demande pourquoi n’a pas été envisagé un bâtiment plus bas qui ne gênerait pas le fameux « cône de vue » du PLU. Peut-être pour de simples raisons de rentabilité de l’opération immobilière…
Et l’architecte des Bâtiments de France dans tout ça ?
Chargé de la protection du patrimoine bâti, l’architecte des Bâtiments de France (ABF) doit être consulté quand un projet immobilier implique un édifice classé ou inscrit à l’inventaire du patrimoine. Ce qui est évidemment le cas du château Laboissière. Dans son avis, rendu le 22 décembre, il admet que « le projet, en l’état, est de nature à porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du ou des monuments historiques ou des abords ». Si lui le dit ! Mais il précise qu’il « peut (…) être remédié́ » au problème. Il a donc donné « son accord assorti de prescriptions ». Il explique ainsi que « des arbres à haute tige doivent être plantés sur toute la longueur de la limite parcellaire (côté́ ruelle de la Demi-lune) pour créer un écran végétal visible depuis le monument historique ».
Quand le projet déposé ne respecte pas la prescription de l’ABF…
Le permis de construire signé par le maire le 29 décembre 2022 stipule explicitement qu’il « est accordé sous réserves du respect des prescriptions de l’Architecte des Bâtiments de France ». Mais de façon surprenante, les plans figurant dans le dossier de permis ne tiennent pas compte de la prescription, pourtant à caractère obligatoire, d’un rideau végétal pour la ruelle ! Le promoteur ne mentionne en effet que deux « arbres de grand développement à planter », en tout et pour tout, sur la partie haute de la parcelle. On est donc loin de « l’écran végétal » demandé par l’architecte des Bâtiments de France. En clair, le projet ne s’en soucie pas.
Un rideau d’arbres qui apparaît impossible à réaliser
Le problème c’est que le rideau d’arbres demandé apparaît impossible à réaliser dans l’état actuel du projet. Si des arbres étaient plantés, ils colleraient littéralement aux fenêtres de l’immeuble ! Ou alors, il faudrait empiéter sur la ruelle, donc sur le domaine public, ce qui supprimerait de facto la sente.
Conclusion : la réalisation d’un tel rideau d’arbres exigerait une refonte complète du projet. Il est stupéfiant que la mairie n’ait pas demandé au promoteur de présenter un dossier complet, intégrant cette nouvelle contrainte, avant de donner son accord.
En l’état des plans actuels, le rideau d’arbres demandé formerait un toit végétal surplombant et obscurcissant la sente, y déposant à l’automne un tapis de feuilles glissantes. La ruelle de la Demi-Lune ne garderait donc plus « l’esprit de cheminement court au caractère verdoyant » mentionné dans le PLU.
La ruelle de la Demi-Lune aujourd’hui, et demain ?
« Chaque projet doit apporter une plus-value pour la ville », explique le « Fontenay-aux-Roses Mag ». Sans ironie, on peut affirmer que celui de la ruelle de la Demi-Lune apporterait une moins-value patrimoniale et esthétique. Dans ce contexte, comment la municipalité peut-elle autoriser un tel projet qui porte atteinte à un monument emblématique de Fontenay-aux-Roses, en contradiction flagrante avec les discours officiels ? Elle entend « renouveler le paysage urbain ». Mais elle oublie, dans le cas d’espèce, de préserver « l’identité de notre ville ».
Et maintenant ?
Des habitants des deux immeubles situés à l’arrière du chantier de construction, « Les Terrasses Laboissière » et « L’Ascott », respectivement au 56 et 54 rue Boucicaut, ont déposé le 27 février 2023 un recours gracieux (consultable avec le lien suivant : https://we.tl/t-jVsH1klYg7) auprès du maire pour lui demander d’annuler le permis de construire et/ou d’amender le projet. Ce recours souligne les nombreuses irrégularités administratives du dossier de permis. Exemple parmi d’autres : le projet immobilier prévoit une toiture en « acier laqué à joint debout », alors que le plan local d’urbanisme stipule explicitement que « l’utilisation de matériaux d’aspect bac acier est interdite pour les toitures d’habitation »…
A ce niveau, on a envie de poser une question à nos élus : et si l’on demandait aux citoyens ce qu’ils pensent de l’implantation d’un tel projet immobilier à côté d’un élément fort du patrimoine ? Cela n’a jamais vraiment été fait jusque-là. Or le patrimoine est l’affaire de tous les habitants de Fontenay-aux-Roses. Pas seulement celle de la municipalité !
Laurent Ribadeau Dumas
Pour obtenir l’annulation de ce permis de construire et la modification du projet, plus nous serons nombreux, plus nous serons efficaces.
Il suffit pour le moment de copier-coller et signer la lettre-type suivante et de l’envoyer par mail à l’adresse suivante :
Dans un 2ème temps, une pétition sera lancée sur « opinions.com »
Monsieur le Maire
Nous ne sommes pas d’accord avec le projet immobilier ADIM-Vinci. Avec ses 19,50 m de haut et quasiment collé contre la façade du château Laboissière, il porterait atteinte à un bel édifice du XVIIe inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques, emblématique du patrimoine de Fontenay-aux-Roses. Nous vous demandons donc d’annuler ce permis et de modifier ce projet.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Maire, nos respectueuses salutations
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