Présidentielles 2022 : la gauche joue t’elle sa propre défaite ?
Il y a un peu plus d’une semaine, j’ai cru faire un rêve : prenant la mesure de la défaite qui les attend, deux candidats à l’élection présidentielle, Anne Hidalgo et Arnaud Montebourg, appelaient à une primaire à gauche. Le lendemain, le réveil fut brutal : ni Yannick Jadot, ni Jean-Luc Mélenchon, ni Fabien Roussel, n’acceptaient cette main tendue.
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Faut-il leur rappeler que si la gauche s’est relevée après les cuisantes défaites des législatives de 1968 et des présidentielles de 1969, c’est parce qu’elle a su s’unir autour du Programme commun de 1972 : une défaite honorable aux présidentielles de 1974, de larges victoires aux municipales en 1977, une défaite honorable aux législatives de 1978 (où la gauche était majoritaire en voix au premier tour), et enfin la victoire de François Mitterrand en 1981.
De la même façon, la gauche n’aurait pas gagné les législatives de 1997, qui venaient après une autre cuisante défaite en 1993, si elle ne s’était pas fédérée autour de La gauche plurielle.
Enfin, si François Hollande a été élu en 2012, c’est parce qu’un large mouvement s’était créé autour de lui à l’occasion de primaires citoyennes très réussies.
À l’inverse, la désunion a provoqué l’élimination de Lionel Jospin dès le premier tour des présidentielles de 2002, alors que la gauche était majoritaire en voix. Elle a conduit au même résultat en 2017, avec des résultats presque infamants, le candidat commun du PS et des Verts dépassant à peine les 6% de suffrages exprimés… Conséquence de la cacophonie de la gauche autour du président qu’elle avait fait élire.
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Emmanuel Macron a été élu en 2017 en exploitant au maximum les boulevards ouverts à gauche par l’absence de candidat modéré et à droite par l’affaire Fillon. Personnellement, j’ai voté pour lui aux deux tours, et je ne le regrette pas, même si je fais le constat que le En même temps penche beaucoup trop à droite. J’ai du mal à imaginer que François Fillon, empêtré dans ses affaires judicaires, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon auraient fait de meilleurs choix au cours des crises que nous venons de traverser…
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Au train où l’on va, la gauche, ne se donnant aucune chance d’être présente au second tour, va laisser le débat présidentiel se développer entre l’extrême droite, qu’elle soit représentée par Marine Le Pen ou Eric Zemour, une droite qui se durcit pour gagner la sympathie de l’électorat des précédents, représentée par Valérie Pécresse, et le centre-droit représenté par Emmanuel Macron. Elle voudrait inviter l’électorat de la gauche modérée à voter à nouveau pour ce dernier dès le premier tour qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
C’est en effet, à ce stade, à mes yeux, et sans doute à ceux de très nombreux électeurs, le seul moyen d’éliminer le risque d’un second tour entre Mme Pécresse et Mme Le Pen ou M. Zemour, c’est-à-dire entre une droite dure et une droite extrême…
Michel Giraud
3 RÉPONSES
Votre description du paysage politique actuel est très juste. Mais le pire n’est pas encore certain. Si les intentions de vote en faveur des candidats déclarés à gauche (Mme Hidalgo, M. Jadot ou M. Mélenchon) sont à un niveau historiquement bas, la candidature potentielle de Mme Taubira pourrait un peu changer la donne si elle s’inscrit dans la dynamique d’une primaire populaire. Mme Taubira réussit à allier les valeurs traditionnelles de la gauche sociale et populaire et les attentes sociétales actuelles (comme en témoigne sa réforme du mariage pour tous). Elle a tenu par le passé des propos un peu ambigus sur le vaccin contre la Covid19 mais a affirmé depuis clairement son soutien très ferme à la campagne actuelle de vaccination. En tant qu’élu du PRG-le Centre Gauche, je me réjouis du soutien unanime de notre comité exécutif samedi dernier à sa candidature potentielle.
Gilles Mergy
Je ne partage pas le point de vue de Michel Giraud sur le jeu politique de la gauche à la présidentielle.
D’abord, il me semble faux de dire que seule « l’union de la gauche » lui a permis de gagner les élections. En 2012, François Hollande a gagné sans faire l’union de la gauche au 1er tour : il affrontait notamment Jean-Luc Mélenchon (LFI, 10% des voix) et Eva Joly (EELV, 2% des voix). Pareil pour François Mitterrand en 1981, qui affrontait Georges Marchais (PCF, 15% des voix) et Brice Lalonde (écologiste, 4% des voix).
Si la gauche a parfois gagné des élections nationales, c’est parce qu’un parti dominait largement la gauche : le parti socialiste. A lui tout seul, ce parti approchait les 30% des voix et il était en mesure de remporter les élections. Aujourd’hui, le PS s’est effondré dans l’électorat, à mon avis à cause d’une grande déception pendant le quinquennat de François Hollande.
Pour la présidentielle de 2022, je crois que la gauche est faible parce que le total des voix que lui accordent les sondages n’est qu’à 25% et que le PS n’en en est plus la locomotive, et non pas à cause du nombre de candidats. Et surtout, une union autour d’une seule candidature suppose un programme commun à gauche : il n’existe pas et il y a beaucoup de divergences profondes sur l’économie, le social, l’écologie, l’Europe, etc… Ce ne sont pas les appels à l’union désespérés des personnalités nationales nostalgiques du PS dominant qui vont donner envie aux électeurs. Ni les appels à Christiane Taubira, personne respectable mais qui n’a que sa personne à proposer, sans programme.
Je crois plutôt qu’il faut trouver une nouvelle locomotive à gauche : je pense que c’est l’écologie qui doit jouer ce rôle. Les écologistes ont fait une primaire ouverte avec un projet, et c’est Yannick Jadot qui a été choisi pour l’élection présidentielle. Les personnalités de gauche devraient aider à créer une dynamique autour de l’écologie en rejoignant la candidature de Yannick Jadot. L’écologie est à mon avis le projet qui peut fédérer une bonne part des Français : protéger le climat, sortir des énergies fossiles, réduire les inégalités sociales, protéger les travailleurs des dérives de la mondialisation libérale, renforcer les services publics de santé et d’éducation, renforcer l’autorité de la République à protéger tous les Français quelles que soient leurs croyances religieuses ou leurs origines, faire de l’Union Européenne une protection commune, mettre fin à l’évasion fiscale des plus riches et des multinationales, mettre de la proportionnelle aux législatives, etc… C’est autour de cette nouvelle locomotive écologiste qu’on peut espérer contrer les idées d’extrême-droite qui progressent et gangrènent le débat politique national. On mobilisera les Français sur un projet et une vision écologiste et sociale de la France, et non pas sur une candidature unique jugée la « moins mauvaise ».
Maxime MESSIER, conseiller municipal écologiste.
Monsieur Giraud,
Le rôle d’un blog de libre information et de libre discussion comme le nôtre n’est-il pas, plutôt que de confronter des prises de positions partisanes qui n’engagent que leurs auteurs, de s’interroger sur des questions de fond concernant les élections à venir?
Par exemple, quelles significations peut-on donner à la débâcle démocratique qui a caractérisé les dernières municipales et cantonales…
Ou encore, que penser de l’excessive personnalisation de la vie politique française, liée d’ailleurs à une prééminence de l’exécutif sur le législatif, qui contrevient à l’équilibre des trois pouvoirs politiques et à leur indépendance mutuelle…
Quoi qu’il en soit, on discute bien davantage d’individus, dont certains ne sont pas encore candidats déclarés, que de programmes. N’y a-t-il pas au moins un programme dont la mise en œuvre a été mise à l’épreuve des faits? Ce programme et cette mise en œuvre satisfont-ils aux aspirations d’une “gauche modérée”?
Il n’en demeure pas moins que les lecteurs et contributeurs du blog vous sont très reconnaissants d’avoir pris la responsabilité de sa renaissance.
Bonne fête de fin d’année à tous,
Michèle Dorothée.