23 décembre 2024 | 21:42
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Un immeuble bientôt en face du Château Laboissière : lettre ouverte à l’Architecte des Bâtiments de France

Objet : permis de construire 0322200016-1 ; 4 bis à 8 place du Général de Gaulle 92260 FONTENAY AUX ROSES

Madame l’Architecte des Bâtiments de France

Nous sommes étonnés de votre décision de ne pas vous opposer au permis de construire modificatif accordé par la mairie au promoteur ADIM-VINCI pour un immeuble qui sera implanté le long de la ruelle de la Demi-Lune à Fontenay-aux-Roses.

Dans un premier temps, vous aviez donné votre « accord assorti de prescriptions », notamment celle-ci : « des arbres à haute tige doivent être plantés sur toute la longueur de la limite parcellaire (côté ruelle de la Demi-Lune) pour créer un écran végétal visible depuis le monument historique ».

Cette décision était motivée par le fait, tout à fait logique à nos yeux, que l’immeuble prévu (19,50 m de haut et 28 m de long) jouxterait le château La Boissière et aurait une vue directe sur la cour du château Laboissière (XVIIe siècle).

Selon nous, le permis de construire modificatif (PCM) ne remplit toujours pas les conditions demandées. En effet, le constructeur (ADIM-VINCI) propose un « écran végétal » constitué de « huit arbres fastigiés, charmes commun (carpinus betulus) ». Il est dit explicitement dans le PCM (paragraphe p 27 intitulé « Palette végétale zone Nord ») que ces arbres atteindront tout au plus une taille maximale de 8 à 10 m de haut.

Ce sera donc totalement insuffisant pour cacher un immeuble d’une hauteur annoncée de 19.50 m ! Le PCM oublie aussi de mentionner que la croissance de ces arbres est lente et qu’il leur faudra une décennie pour atteindre leur taille maximale. Si l’on ajoute qu’ils seront plantés dans un espace insuffisamment large (3,50 m) qui ne leur permettra pas de se développer normalement, on voit que la solution proposée par ADIM-VINCI est inadéquate.

Et l’on en revient à votre constat initial : « ce projet, en l’état, est de nature à porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du ou des monuments historiques ou des abords ».

Dans ce contexte, nous nous demandons pourquoi une telle construction a finalement fait l’objet d’un avis favorable de votre part alors qu’elle va noyer complètement le château Laboissière dans son environnement et masquer son cône de vue. Les montages photographiques accompagnant le PCM sont d’ailleurs bien révélateurs à ce sujet, même s’ils cherchent à masquer la réalité en n’hésitant pas à créer artificiellement beaucoup de feuillage.

Pour toute modification d’un logement dans le périmètre d’un bâtiment historique, tout citoyen est tenu, de par la loi, de demander l’avis de l’architecte des Bâtiments de France. Celui-ci peut parfois se montrer très rigoureux. Une telle rigueur a-t-elle été appliquée pour le monument emblématique qu’est le château Laboissière ? Une rigueur d’autant plus nécessaire qu’à nos yeux, ce projet immobilier va entraîner une dégradation irréversible du patrimoine francilien.

Vous semblez d’ailleurs partager notre opinion puisque dans un article, paru en août 2023 sur le site de l’Association nationale des architectes des Bâtiments de France, vous expliquez que « l’accord de l’architecte des Bâtiments de France » est « un outil précieux participant de la qualité des espaces protégés ».

Certains ne manqueront pas de voir (à tort ?) dans cette situation deux poids-deux mesures. Et l’illustration des derniers vers de la fameuse fable de La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste » : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».

Nous espérons que nos remarques vous amèneront à regarder à nouveau le dossier et à reconsidérer votre décision.

Nous vous prions d’agréer, Madame l’Architecte des Bâtiments de France, nos respectueuses salutations.

Laurent Ribadeau Dumas & Francis Rondelez

                                                                     

4 RÉPONSES

  • J’adhère totalement à votre démarche auprès de l’Architecte des Bâtiments de France du département du Sud Hauts-de-Seine afin de la sensibiliser sur l’impact de la hauteur et de l’implantation de ce bâtiment dessiné sans prendre en considération la pente naturelle du terrain situé en vis-à-vis avec le château La Boissière, de l’autre côté de la sente de la demi-lune.
    Je me permets de vous suggérer d’entreprendre la même démarche auprès du CAUE 92 (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement) afin de lui demander de donner son avis sur ce projet que je considère totalement inadapté à son environnement.
    Pour votre information, le directeur du CAUE 92 a fait parti des membres du jury du concours d’architecture lancé sous la mandature de Pascal Buchet afin de transformer le château La Boissière en Maison de la Musique et de la Danse. Il a voté, comme tous les autres membres du jury, en faveur du projet de Pierre-Louis FALOCI, projet qui s’est concrétisé par la réalisation que nous apprécions aujourd’hui.
    Mon confrère FALOCI, grand prix national de l’architecture en 2018, sera profondément attristé de réaliser, si ce n’est déjà fait, que la présence de ce bâtiment d’habitation va étouffer la sente de la demi-lune et le château La Boissière. La majorité des fenêtres des appartements orientées plein Nord vont plonger dans la cour du château, alors qu’il a très habilement réaménagé cette cour afin de préserver les vues et particulièrement la vue lointaine vers l’église saint Pierre-saint Paul demandée dans le programme du concours.

  • Merci à Francis Rondelez et Laurent Ribadeau Dumas des termes de cette lettre qui précise bien à Mme l’architecte des bâtiments de France pourquoi de très nombreux Fontenaisiens ne comprennent absolument pas l’accord donné sur le permis modificatif. Souhaitons que Mme l’architecte des bâtiments de France réagisse vite à cet argumentaire précis avant que l’irréparable ne soit commis et que nous connaissions un deuxième chantier sans fin au cœur de ville comme avec le « trou Osica » qui est dans cet état depuis 9 ans.

  • Messieurs L. RIBADEAU DUMAS et F. RONDELEZ,
    Vous avez déjà communiqué dans ces colonnes à propos des projets successifs de construction place du Général de Gaulle, et vous avez partiellement raison, et nous nous en sommes entretenus.
    Vous évoquez aujourd’hui le rideau d’arbres prescrit sans autre précision par l’architecte des bâtiments de France. Noter que l’exigence d’un rideau d’arbres figure désormais au permis de construire initial et se voit durablement imposée durant la vie du bâtiment. Bien qu’imprécis, le libellé laisse entrevoir une obligation de moyen et une obligation théorique de résultat.
    Vous soulignez que le PC modificatif qui précise l’intention du promoteur dit la hauteur maximale ridicule des arbres envisagés. Le dossier du PC modificatif et les pépiniéristes disent en effet une hauteur espérée de 8 à 10 mètres pour la variété mentionnée. D’avance, vous pouvez espérer 8m plutôt que 10m, d’autant que le milieu urbain n’est pas favorable à l’expression du potentiel de croissance. Mieux, certains pépiniéristes promettent pour cette variété précise une hauteur de 5-8 mètres seulement. Tous disent sa croissance lente. Les mauvais esprits et peut-être les acquéreurs tableront aussi sur l’absence de soins ou les dégradations qu’ils subiront de la part des occupants dans le tout petit jardinet censé accueillir une chaise longue… Espérer un écran végétal efficace est donc illusoire et son exigence administrative est purement rédactionnelle. Ce qui n’empêche pas de s’intéresser au dossier puisque l’obligation de moyen n’est pas respectée.
    Pour ces raisons, j’ai défendu cet argument parmi d’autres dans un recours administratif contre le PC initial puis un recours c/ PC modificatif. Pour mémoire, même s’il parait que les avocats n’y parviennent que rarement, j’ai déjà obtenu du Tribunal l’interdiction d’ouvrir le chantier tant que les recours ne sont pas jugés: je l’ai fait sans avocat.
    J’apprends aujourd’hui que vous espérez par un simple courrier voir l’architecte des bâtiments de France se dédire et revenir sur son avis favorable accordé au PC modificatif. Ne me dites pas que vous croyez à une telle fable car vous avez déjà l’expérience des cheminements administratifs : vous savez que l’avis de l’ABF est désormais intégré à l’arrêté municipal accordant le PC modificatif. Au choix, vous pouviez contester l’avis de l’architecte par une procédure RAPO et/ou contester le PC modificatif par un recours comme vous l’avez déjà fait du PC initial avec l’aide d’un avocat. Je crains que les délais ne soient dépassés désormais.
    Le buzz sur les blogs et réseaux ne suffira pas, je le crains.
    Olivier SASSOT

  • Laurent Ribadeau Dumas

    Monsieur
    Nous avons lu avec intérêt votre commentaire. Nous partageons votre avis sur la croissance des arbres.

    Concernant l’architecte des Bâtiments de France, Mme Ana-Cristina Nitescu, en lui écrivant une lettre ouverte, nous n’étions pas naïfs au point de croire qu’elle reviendrait sur son avis, inclus, comme vous le faites remarquer, dans le dossier de permis. Une procédure judiciaire est, dans l’état actuel des choses, le seul moyen pour faire reculer mairie et promoteur. Mais nous pensons aussi qu’un peu de médiatisation sur les non-dits de la municipalité ne nuit pas et peut avoir un impact certain. Si cela peut aider, ne serait-ce qu’une petite partie de nos concitoyens, à prendre conscience de l’atteinte au patrimoine que représenterait cet immeuble, cela serait déjà quelque chose. N’oublions pas que les élections municipales auront lieu dans deux ans et que la campagne a déjà commencé.

    Par ailleurs, nous pensons que les deux procédures devant le tribunal administratif sont complémentaires et non opposées. Nous avons un but commun : la suspension d’un permis de construire pour un projet immobilier qui détruirait la perspective du château Laboissière, seul monument emblématique de Fontenay-aux-Roses. »

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