22 décembre 2024 | 22:24
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Urbanisme et Grand Paris : attractif à tout prix ?

Notre Territoire Vallée Sud Grand Paris lance son Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI), comme d’autres territoires voisins du Grand Paris. Ceci répond à la loi qui transfère aux intercommunalités la compétence d’urbanisme.

Dans chaque ville du territoire, des ateliers de concertation ont lieu. Les habitants y sont invités à exprimer leurs attentes pour ce PLUI. J’ai participé celui de Fontenay-aux-Roses le 9 décembre 2021 : environ 50 personnes étaient présentes, accompagnées par des animateurs de la concertation. J’ai trouvé l’exercice intéressant et j’ai été agréablement surpris par les positions assez convergentes exprimées par les habitants : maîtriser l’urbanisation, protéger les espaces verts et les arbres, limiter la densification et les grands immeubles, demander des pistes cyclables et des espaces piétons, renforcer les transports en commun et leur fiabilité, faire de nouveaux services publics comme des écoles ou des crèches, etc.

La fin de la réunion a été un peu gâchée par l’intervention de M. Blot, vice-président du Territoire en charge du PLUI. En effet, il a expliqué que ce PLUI ne fera que reprendre ce que les maires des communes décident ! Aurait-on fait cet atelier pour rien alors ? Et les attentes des habitants ?

Sur le fond, ce PLUI arrive dans un contexte de construction du Grand Paris. Lors des présentations faites en atelier par les représentants du Territoire, il a été souvent question de sa nécessaire « attractivité ». Mais qu’entend-on par-là ? S’il s’agit de rendre le Territoire plus agréable à vivre pour ses habitants, tout le monde est pour ! Mais j’ai le sentiment que le mot attractivité était surtout un mot pour vanter les constructions et la croissance démographique. Comme si on était plus heureux à être encore plus entassés sur un territoire déjà bien dense. Comme si on était heureux de voir pousser les immeubles au nom de l’attractivité.

Le Grand Paris, c’est déjà 7 millions d’habitants sur seulement 814 km², soit 8600 habitants par km² ! Des sondages montrent régulièrement qu’une majorité des franciliens veulent quitter la région : logements trop chers et trop petits, manque de nature en ville, congestion des transports et des routes, pollution, stress, densité humaine, etc. Il est paradoxal de vanter l’attractivité alors qu’une majorité des habitants disent vouloir partir un jour. A quoi bon faire la course avec Londres, Tokyo, New York ou Shangaï dans les classements de la presse économique ? Cela rendra t-il les habitants plus heureux de vivre dans le Grand Paris ? Je ne le crois pas.

Dans le même temps, des centaines de villes petites et moyennes sont en déclin en France et voient leurs centres-villes mourir à petit feu, leurs gares fermées, les hôpitaux et services publics supprimés ou réduits… Ce genre de villes qui font l’objet de reportages dans les journaux télévisés pour illustrer le déclin d’une partie de la France.

Parmi les arguments de cette course à la densification, on parle de la nécessité de construire des logements, donc à augmenter l’offre. On en construit déjà beaucoup mais ça n’empêche pas les prix d’augmenter en région parisienne : on devrait donc aussi envisager d’abaisser la demande, en privilégiant le développement des emplois et des activités économiques ailleurs que dans le Grand Paris et la dizaine de grandes métropoles régionales.

Les défenseurs de cette course à la densification avancent aussi la nécessité d’éviter l’étalement urbain. C’est parfaitement valable pour bien des villes en France qui construisent des centres commerciaux et des logements loin de leurs centres-villes, au détriment de terres agricoles, et rendant les habitants dépendant à la voiture individuelle. Mais dans le Grand Paris, cet argument atteint ses limites : pourquoi demander à l’agglomération la plus dense de France (et peut-être d’Europe) d’être encore plus dense alors que tant de villes petites et moyennes sont en déclin ?

Je crois que cette logique de l’attractivité à tout prix du Grand Paris a atteint ces limites depuis longtemps. L’avenir me semble être plutôt aux villes petites et moyennes : celles qu’on peut traverser facilement en transports en commun, à pied ou à vélo, celles qui préservent une proximité avec la nature, celles qui ont autour d’elles des zones agricoles qui peuvent permettre leur auto-suffisance alimentaire, celles où il fait bon vivre même en étant moins nombreux.

En urbanisme, il faut éviter deux extrêmes : l’étalement urbain et l’hyper-densification. Alors bien sûr, les PLUI seuls ne vont pas régler tous ces problèmes. Il faut aussi une politique nationale d’aménagement du territoire comme on l’appelait autrefois. La réponse à ces difficultés est probablement en bonne partie dans les mains de l’Etat, dans notre pays malheureusement trop centralisé. Mais vanter sans cesse l’attractivité n’aide pas à changer de vision.

Pour vivre heureux dans le Grand Paris, l’attractivité immobilière à tout prix est-elle une nécessité absolue ?

Maxime MESSIER
Conseiller municipal

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