27 novembre 2024 | 02:47
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A propos du film de Pasolini, “L’Evangile selon Saint Matthieu”

Nous avons la chance, à Fontenay-Aux-Roses, d’avoir un outil culturel précieux, en l’espèce un Cinéma d’art et d’essai et un Théâtre. Il est plus que souhaitable que cet atout de la ville soit préservé et son dynamisme conforté.

Le cinéma offre une programmation riche et variée et, avec la formule du « Coup de Cœur », de l’Association des Amis du Théâtre des Sources et du Cinéma le Scarron, la possibilité de revoir sur grand écran des pépites cinématographiques anciennes et bien restaurées.

L’une d’elles, L’Evangile selon Saint-Matthieu, réalisée par Pier Paolo Pasolini, a été présentée au public le 20 avril dernier. Les spectateurs remercient infiniment l’Association et la personne qui a remis en lumière ce film superbe.

Monsieur Patrick Meneghetti a rédigé une présentation très intéressante, informée et argumentée, de L’Evangile selon Saint Matthieu. La nécessaire brièveté des débats, à l’issue de la projection, n’a pu que limiter la discussion.

En 1962, Pasolini se trouve à Assise à l’invitation de la Citadella Cristiana pour une rencontre entre cinéastes, et en profite pour lire ou relire la Bible qui se trouve dans sa chambre d’hôtel. La lecture des Evangiles nourrit son projet de réaliser un film sur la vie du Christ, alors qu’il est en train de tourner La Ricotta, qui met en scène la Crucifixion.

La Ricotta lui vaut un procès pour atteinte à la religion d’Etat, en Italie, la religion catholique. D’abord condamné, puis relaxé en appel, Pasolini réalise en 1964 L’Evangile selon Saint Matthieu, ouvrage somptueux par ses cadrages, par le texte évangélique qui ponctue les allées et venues du Christ en Galilée et en Palestine, les entretiens avec les disciples, les commentaires des miracles, le Christ guérissant les malades ou marchant sur les eaux.

Pasolini précise : « J’ai voulu faire l’histoire du Christ (…) puisque ce sont les deux mille ans d’histoire chrétienne qui ont mythifié cette biographie ». La démarche de Pasolini, par ailleurs artiste politiquement engagé et non croyant, n’est donc nullement paradoxale. Le mythe, c’est l’épopée christique telle qu’elle est magnifiée dans le texte évangélique. La lecture de l’Evangile par Pasolini n’est nullement irréligieuse. Il retrouve la tradition chrétienne protestante de la lecture des textes sacrés et rejette le catholicisme qui a institué le culte marial. Dans ce film, les traditions picturales de la Vierge à l’Enfant, de l’Annonciation, voire de la sainte Famille, n’intéressent pas directement le cinéaste. En revanche, il utilise Piero della Francesca pour élaborer les coiffures extraordinaires des notables juifs. Les choix musicaux suggèrent eux aussi un contournement du catholicisme, Bach par exemple, ou encore le gospel « Sometimes i feel like a motherless child ». Pasolini illustre le sens du sacré dans l’être humain. L’expression le « Fils de l’homme » scande le film, ce qui est d’ailleurs le cas du texte sacré dont il s’inspire.

La désacralisation du monde humain, c’est la perte du sens des valeurs, le Juste, le Bien, le Vrai, le Beau, qui n’ont, à l’inverse des valeurs marchandes, pas de réalité matérielle, mais qui rendent les êtres humains capables d’affronter même la mort. La recherche par chacun du sens de sa propre existence témoigne d’une forme de transcendance qui n’est pas nécessairement de nature théologique.

C’est aussi, d’une certaine façon, la question de la perte du sacré pour les hommes modernes qui inspirera sous des formes différentes Pasolini, dans Théorème (1968) et dans Médée (1969).

Pour en revenir à L’Evangile selon Saint Matthieu, ce film étincelant, en noir et blanc, donne simultanément à voir, à entendre et à penser.

Michèle Dorothée

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