A propos du texte de Cavanna mis en ligne sur Osez Fontenay par Christiane Vilain : quels fondements pour l’écologisme?
Ce texte de Cavanna me déçoit fortement même si je comprends bien l’objectif qu’il poursuit : dénoncer les pseudosciences et la prétendue suprématie des sagesses ancestrales. Où il se trompe lourdement, confondant les moyens et les fins, c’est lorsqu’il affirme «Si le mouvement écologique ne se fonde pas sur la science, il est foutu ».
Admettons pour les besoins de la discussion qu’il existe quelque chose comme « la science » qui se déclinerait en autant de sciences que l’on voudra. Aucune d’entre elles prises singulièrement ou toutes prises collectivement, ne pourront nous être d’un secours quelconque pour trancher les questions fondamentales que pose le mouvement écologiste, pour la raison qu’elles ne peuvent rien nous dire sur ce qui doit être. Ainsi, doit-on de prendre en compte le long terme dans nos actions et décisions ou bien doit-on considérer que « dans le long terme nous serons tous morts » selon la célèbre formule attribuée à Keynes ? Autre question fondamentale : celle des limites. Doit-on accepter certaines limites ou tenter de s’affranchir de toute entrave ? Mesure ou démesure ? Par exemple doit-on accepter notre condition d’ « être de nature » ou s’en affranchir (PMA, GPA, transhumanisme, etc., …) ? Toutes ces questions et d’autres constitutives de la vision du monde écologiste sont hors du domaine de la science parce qu’elles mettent en jeu des valeurs comme le bon et le bien, étrangères aux sciences. Et c’est heureux qu’il en soit ainsi, car sans cela, toute tolérance serait impossible.
La beauté de la nature et des paysages est aussi pour beaucoup d’écologistes une raison profonde de leur engagement. Bien que tangible, palpable et indiscutable, cette beauté est totalement étrangère à l’objectivité scientifique.
Bien plus, il y a dans cet engagement écologiste une part irréductible d’affectivité, donc d’irrationalité si l’on en juge par rapport à la science. Il peut n’y avoir aucun motif objectif issu de la froide raison « scientifique » pour protéger tel ou tel paysage simplement vernaculaire, pas spectaculaire pour un sou, si ce n’est qu’il fait sens pour ses défenseurs de par sa familiarité même, parce qu’ils l’aiment ! Et quoi de plus irrationnel mesuré à l’aune de la rationalité scientifique que l’amour ?
Supposons que nous soyons les derniers membres de l’espèce humaine à vivre sur Terre et que la mort du dernier d’entre nous sera du même coup la mort de l’humanité, devrions-nous respecter ce qui resterait de Nature et tenter de la préserver ou la saccager ? Pourquoi ? « Bien sûr que nous devrions la préserver, tout simplement parce que nous l’aimons » me répondit un jour un militant à qui j’avais posé cette énigme. Et c’est même en cela que l’écologisme est radicalement subversif. Il faut passer de la haine de la nature qui est constitutive de cette civilisation à l’amour de la nature, seul fondement d’une civilisation à venir viable lorsque l’on a entre les mains la puissance que nous donne la techno-science.
Enfin je pense avec feu Alexander Grothendieck que la science, faisant partie du problème qu’aujourd’hui nous avons à résoudre ne peut en aucun cas nous aider à le faire. Ce n’est pas de plus de savoir dont avons besoin ! Sur ce point je me permets de renvoyer à mon article «Sciences et préservation de la biodiversité » (http://www.jfdumas.fr/Sciences-et-preservation-de-la-biodiversite_a297.html)
Il me reste pour conclure à remercier Christiane Vilain pour cet article. On aborde trop peu souvent les questions de fond.
Jean-François Dumas
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