L’écologie est-elle punitive ?
Au hasard de mes déplacements dans Fontenay-aux-Roses, je passe devant les affiches de candidats aux élections législatives 2022 lorsque mon regard s’arrête sur une formule qui me fait bondir : « Contre une écologie punitive et inefficace qui pénalise les plus fragiles ».
L’association des termes “écologie” et “punitive” me semble tellement extravagante, que je rumine depuis ce fragment de programme politique, aux allures de punch line.
Le choix des mots a son importance et j’avais jusqu’ici plus l’habitude de voir le terme “punitif” utilisé pour illustrer un projet de nouvel impôt.
Ici, l’expression instille l’idée que l’écologie est le fait de dominants qui voudraient imposer leurs lois injustes à des citoyens déjà accablés, « les plus fragiles ». Avec une telle formule, la personne qui l’emploie prend le gros risque de susciter un rejet global et indifférencié de l’écologie, et donc d’entretenir une vision caricaturale du sujet, au détriment du fond.
A ma grande surprise, je découvre en me documentant que l’expression “écologie punitive” a une histoire. Il se trouve que la formule a été largement employée en réaction aux propositions faites en 2020 par la Convention citoyenne pour le Climat (CCC). Comme le rappelle le média Bonpote dans un article du 28 avril 2021, intitulé « L’écologie punitive a-t-elle un sens ? » (source),une proposition a particulièrement cristallisé le rejet des conclusions de la CCC par certains éditorialistes et représentants politiques : celle de réduire à 110km/h la vitesse sur l’autoroute.
La punition serait donc l’atteinte à certaines de nos « libertés » dont celle de rouler à 130km/h sur l’autoroute. Je partage ici, comme l’avait fait Bonpote dans l’article précité, un commentaire de l’ingénieur Maxence Cordiez, qui résume ma pensée sur le sujet :
« Si même un effort aussi faible que passer la vitesse de 130 km/h à 110 km/h sur autoroute est inenvisageable, alors disons-le clairement, la lutte contre le changement climatique est perdue… Nous n’aurons pas le beurre et l’argent du beurre. »
Il me semble utile de rappeler deux éléments à propos de la Convention citoyenne qui est à l’origine de cette proposition. D’abord, il a été reconnu que la composition sociologique de la Convention reflétait correctement les composantes démographiques, socio-professionnelles, territoriales et de parité de notre pays (source). Ensuite, les 150 membres ont été formés aux enjeux et ont donc pu acquérir de l’expertise sur des domaines bien précis.
Bonne nouvelle, des gens de tous horizons peuvent prendre des décisions contraignantes auxquelles ils se seraient probablement opposés eux-mêmes, avant d’être informés. Comme pour d’autres sujets (la plupart !), la clé du problème est l’éducation.
Nous pouvons dès lors en conclure que les élus qui utilisent la formule « écologie punitive » à des fins politiques, parient sur la méconnaissance par leurs administrés des enjeux de la transition écologique. Ecologie = punition. Fin du débat. Rien ne change.
Bien sûr, si le but est de dire qu’il faut protéger les ménages les plus fragiles avec des mesures sociales pour les accompagner dans la transition écologique, nous sommes tous d’accord.
Rappelons néanmoins, comme le fait la sociologue Dominique Méda dans une chronique récente publiée dans Le Monde (source) que « la sobriété devrait principalement être le fait des pays les plus développés et des ménages les plus aisés (…). Le rapport « Soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique », publié par France Stratégie, indique qu’en France, les 50% les plus modestes devraient réduire leur empreinte carbone de 4% contre 81% pour les 10% les plus riches.”
Il serait donc plus correct – suggestion pour un futur programme politique -, d’écrire
« Contre une écologie punitive et inefficace qui pénalise les plus aisés. ».
La privation de liberté et les injustices ne sont pas le fait de l’écologie mais sont les conséquences de l’inaction et du statu quo savamment entretenus.
« La transformation de nos sociétés ne sera pas facile, et la moindre des choses serait de commencer par dire la vérité sur la situation et d’arrêter de faire croire aux français qu’ils n’auront pas à changer. » Bonpote
Notre devoir collectif est de faire de l’éducation et de la sensibilisation aux enjeux climatiques, les véritables leviers d’action. Comme cela a été démontré, un citoyen bien informé est prêt à faire évoluer son mode de vie pour préserver le bien commun.
Pour l’heure, l’honnêteté et le courage sont les valeurs que nous attendons des responsables politiques qui nous représentent. Et cela doit commencer par des choix rhétoriques plus judicieux.
Jean Arnold
3 RÉPONSES
Merci pour votre article documenté.
On peut noter que le candidat qui associe “écologie” à “punition”, Laurent Vastel, maire de Fontenay-aux-Roses (démissionnera-t-il de ce mandat si d’aventure il devient député ?), est coutumier de cette formule qu’il emploie fréquemment durant les conseils municipaux (je ne suis pas assez intime pour savoir s’il l’emploie dans d’autres circonstances).
Au fond, la formule n’est qu’une figure de style, en l’occurrence, un oxymore, car la punition viendra de l’absence de prise de conscience des nécessités de politique écologique active, locale autant que nationale et même mondiale.
“Protopensée béate”, “Démagogie sereine” sont les mamelles de son “action” à Fontenay depuis des années. Je vois paradoxalement certains avantages à ce qu’il soit à l’assemblée nationale plutôt qu’à la mairie. L’argument est au moins aussi pertinent que son slogan associant écologie et punition.
Merci M. Arnold pour cet article dans lequel je me retrouve totalement. J’imagine que vous faites référence à M. Vastel, qui a effectivement écrit dans son tract être “contre l’écologie punitive”. Une expression habituellement utilisée par ceux qui sont contre l’écologie tout court !
Entièrement d’accord ! En 2022, en être encore à associer l’écologie à une punition, c’est n’avoir rien compris aux enjeux climatiques, et ça fait peur… Au secours !