Pas d’instrumentalisation de la laïcité ni de laïcité à géométrie variable
Depuis la rentrée, les polémiques se succèdent dans notre pays autour de la notion de laïcité. Les uns parlent de « police de vêtement » ou d’islamophobie quand l’abaya est interdite dans l’enceinte scolaire, les autres s’insurgent de la présence du Président de la République à une messe papale à Marseille.
Rappelons tout d’abord ce qu’est le concept de « laïcité à la Française », concept très spécifique à notre pays et que l’on ne retrouve pas en ces termes dans le reste du monde occidental ou pas.
Sur le plan juridique, la laïcité est un principe constitutionnel qui sépare le pouvoir politique des organisations religieuses. La loi de la République est neutre vis-à-vis du fait religieux, garantit la liberté de culte (tant que les manifestations religieuses respectent l’ordre public), proclame la liberté de conscience et assure le pluralisme des opinions religieuses. Ce principe, constitutif de l’égalité républicaine est résumé par la formule suivante : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
Nonobstant le débat au cours de ces derniers jours sur la présence du Président de la République à une messe papale à Marseille, le débat se cristallise en général sur l’application de ce principe de laïcité à l’école et sur la possibilité ou pas pour un ou une élève d’y accéder avec un signe religieux.
Sur la présence du Président de la République à cette messe, les choses sont claires de mon point de vue : le Président de la République en tant que plus haute autorité politique de notre pays n’a pas à assister à un office religieux (sauf par exemple en hommage à une personnalité récemment décédée). En tant que citoyen, il est libre de pratiquer ; en tant que Président de la République, il doit respecter un principe de neutralité absolue.
En ce qui concerne la présence de signes religieux à l’école, nous devons être guidés par deux boussoles :
- La première est celle du rôle de l’école décrit par Jean ZAY, Ministre de l’instruction publique sous le Front populaire dans sa fameuse circulaire du 31 décembre 1936. J’en retiens deux extraits : « l’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme religieux ne saurait être admise dans les établissements ». et « les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas» ;
- La deuxième est la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Par conséquent, les signes ostensiblement religieux par définition ou par destination : grande croix, kippa, étoile de David, croissant, voile, abaya,… n’ont pas leur place au sein de l’institution scolaire. Toutes les religions sont donc traitées sur le même plan et aucune n’est ostracisée ni stigmatisée.
Je m’élève donc contre les propos tenus par certains responsables politiques nationaux qui ont évoqué une soit disant « police des vêtements » à la suite de l’interdiction de l’abaya par le Ministre de l’éducation nationale dans le cadre de la loi du 15 mars 2004 précitée. Regardons le combat que mène les courageuses iraniennes contre les diktats imposés par un régime rétrograde et violent et arrêtons de tout confondre et de tout mélanger.
Nous avons des combats à mener pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme, pour faire en sorte que personne en France ne soit discriminé en raison de sa religion ou de sa couleur de peau mais ne nous trompons pas de combat en laissant penser une seule seconde que la laïcité oppresse une partie de nos concitoyens.
La laïcité est bien au contraire un principe fondamental pour favoriser le vivre ensemble dans notre pays de culture judéo-chrétienne mais dans lequel toutes les religions ont le droit de cité, ont droit au même respect et ont les mêmes devoirs vis à vis de la République.
Gilles Mergy
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